🎙️ Découvrez le 1er épisode de notre podcast #Hybride 🎙️
Pour le lancement du podcast, Timothée Jochum, co-fondateur de Bluedigo, a eu le plaisir de recevoir Camille Rabineau, consultante nouveaux modes et espaces de travail et fondatrice de la société Comme on travaille.
Merci beaucoup Camille Rabineau d’avoir accepté notre invitation pour ce premier rendez-vous mensuel !
Au programme de cet épisode :
▶️ Comment les projets d’aménagement de bureaux ont-ils évolué depuis la crise du COVID-19 ?
▶️ Le modèle mixte bureau & télétravail est-il l’avenir des espaces de travail ?
▶️ Au-delà du télétravail et de la flexibilité, quelles autres mutations vont dessiner le futur du travail ?
🔊 Podcast diffusé sur :
Spotify ➜ https://open.spotify.com/episode/5K2U1Xw3UBu3iRpjoRHCIT
Deezer ➜ https://deezer.page.link/gfxDiQREYDa1McPP6
Apple Podcasts ➜ https://podcasts.apple.com/us/podcast/hybride/id1597756129
A vos écoutes, prêt ? Go ! ✨
Timothée : Bonjour à tous, je suis Timothée, co-fondateur de Bluedigo, vous écoutez le podcast Hybride, le nouveau podcast de Bluedigo sur les espaces de travail d'aujourd'hui et le demain. Le bureau a connu une de ses plus grandes révolutions avec la crise sanitaire. Révolution du télétravail, nouvelles organisations hybrides des entreprises, aménagement des bureaux plus flexibles. Ce sont ces nouvelles tendances du futur du travail que nous allons décrypter ensemble dans ce podcast. Ils sont architectes, entrepreneurs, consultants, créateurs de coworking, responsables immobiliers. Hybride donne la parole à des experts et des expertes au cœur de ces mutations. Pour ouvrir ce podcast, j'ai le plaisir de recevoir Camille Rabineau, consultante et experte en nouveaux modes et espaces de travail.
Timothée : Bonjour Camille.
Camille : Bonjour Timothée.
Timothée : Merci beaucoup d'accepter d'ouvrir le bal pour ce podcast.
Camille : Je suis très flattée, merci à vous.
Timothée : Camille, tu es la fondatrice de la société Comme On Travaille, tu es consultante en aménagement de bureaux innovants. Est-ce que tu peux commencer par nous raconter un peu ton parcours, tes études, tes expériences professionnelles jusqu'à la création de Comme On Travaille ? Parce qu'aujourd'hui, je crois que vous êtes trois et on enregistre actuellement le podcast dans vos propres bureaux.
Camille : C'est ça, deux changements qui sont très récents, de nouvelles belles étapes qui viennent de s'écrire pour Comme On Travaille. Alors moi, je suis Camille Rabineau, je suis urbaniste de formation. J'ai fait Sciences Po comme études et je me suis spécialisée assez vite en urbanisme. J'ai eu un coup de cœur à l'époque, une vraie vocation pour cette matière qui mélange à la fois des aspects créatifs, sensibles, à travers l'architecture, la création d'espaces publics, d'espaces urbains, mais aussi avec un vrai impact économique. Alors on en oublie un peu en ce moment où les villes ont moins bonne presse depuis le Covid, mais c'est vrai qu'il y a eu toute une période, un âge d'or des métropoles où c'est là que s'inventait la valeur, la vie économique, l'innovation. Et puis aussi un vrai aspect social qui était peut-être ce qui me plaisait le plus, c'est-à-dire de comprendre les modes de vie, les habitudes, les aspirations des habitants des villes. Et c'est exactement tout ça que j'ai retrouvé ensuite dans le sujet des espaces de travail. Et donc voilà, d'un début de carrière en agence d'architecture où j'ai travaillé sur des sujets plutôt de logement, de réhabilitation de quartiers de grands ensembles, de déplacement aussi. J'ai atterri il y a six ans maintenant sur les sujets des nouveaux modes et des nouveaux espaces de travail qui occupent la société que j'ai fondée et qui aura bientôt trois ans.
Timothée : Chez Comme on travaillel, vous êtes spécialisé dans la conception collaborative d'environnements de travail innovants, vous accompagnez des projets d'aménagement de bureaux. Est-ce que tu peux nous expliquer les différentes missions de ta société ?
Camille : Donc Comme on Travaille on intervient sur ces projets de réaménagement des espaces de travail avec un angle et un fil rouge qui lui est propre, qui est le sujet finalement de l'engagement, l'implication des différentes parties prenantes de l'entreprise, dirigeants, managers, équipes, les associer aux projets et également les accompagner dans ce qui parfois représente un vrai changement, un vrai bouleversement d'habitude. Donc les accompagner dans les nombreuses étapes de ce parcours-là, les aider à se projeter, les aider à se préparer, faire aussi de ce déménagement une opportunité justement pour remettre à plat des pratiques de travail, donner un peu un coup de pied dans la fourmilière à des habitudes parfois très ancrées et plus forcément très efficaces. Donc voilà, nous on travaille main dans la main avec ceux qui sont vraiment la cheville ouvrière de la conception qui sont, et je crois qu’Hybride, vous allez aller au-devant aussi de ces acteurs-là, donc les architectes, space planners et autres designers. Et nous voilà, on est plus vraiment au chevet si je puis dire, des salariés pour les écouter, pour les accompagner.
Timothée : J'aimerais évoquer avec toi le retour au bureau, puisque le retour au bureau se fait de manière progressive depuis la crise sanitaire. Dans quelle mesure les salariés ont envie de revenir au bureau selon toi et comment les entreprises s'organisent ?
Camille : Je pense que la première chose qu'on peut dire c'est que les salariés ont envie de revenir au bureau. C'est ce qui ressort de toutes les enquêtes qu'on voit sur le télétravail, puisque les personnes qui sont en recherche d'un mode de travail à 100% reposant sur le télétravail sont minoritaires. On voit que la préférence des salariés, et celle des employeurs aussi, ça tombe plutôt bien, c'est plutôt ce fameux schéma hybride mixte avec, deux à trois jours, selon parfois deux jours en télétravail, trois jours au bureau ou l'inverse. Donc voilà, il y a quand même une certaine envie de retrouver ce lieu collectif, simplement de ne pas le retrouver tous les jours dans ce schéma un peu routinier qu'on connaissait avant, voilà, métro, boulot, dodo, c'est ça en fait avec lequel on a envie de rompre. Donc je pense que c'est important de le dire et on le voit très bien dans les études. Je pense à Paris Workplace qui sort tous les ans des chiffres intéressants et ils montrent que notamment chez les jeunes, il y a une envie de bureau qui a bondi en un an, plus 26% de mémoire de jeunes qui voient le bureau comme un vrai lieu de vie dans lequel ils aiment passer du temps. Donc je pense que c'est important de ne pas avoir une vision trop caricaturale des choses. Oui, les employeurs ont un enjeu de comment faire revenir leurs salariés au bureau, mais aussi les salariés, dans une certaine mesure, aspirent à retrouver le bureau. Et si je peux faire l'écho de mon expérience personnelle, puisque tu disais tout à l'heure que moi-même, j'ai récemment accueilli des salariés et inauguré mes bureaux, eh bien tu vois, moi j'ai recruté deux jeunes salariés très talentueuses et quand je leur demandais ce qu'elles souhaitaient, et bien elles souhaitaient toutes les deux pouvoir bénéficier d'un bureau, un bureau qui serait, voilà, notre lieu à nous, notre lieu qui incarne notre philosophie, notre marque, notre mission, un lieu à nous, un cocon pour se retrouver. Et donc voilà, je trouve que c'est une bonne illustration qu’en fait les salariés aussi ont envie de retrouver un bureau. Par contre, la question c'est quel bureau on va pouvoir leur offrir. Et c'est là évidemment que quitte à revenir, on veut avoir une expérience qui soit de qualité, on veut tirer le meilleur de ces jours où on passe notre temps au bureau, le meilleur des interactions qu'on va avoir avec nos collègues et également nos responsables. Et donc c'est là, voilà, que se pose toute la question de comment faire monter en gamme ce bureau et qu'il soit vraiment un écrin finalement à cette vie sociale et à cette collaboration qui fait la richesse des moments où on se retrouve en présentiel.
Timothée : On a bien compris que les salariés ont envie de revenir au bureau et justement chez Comme On Travaille, dans ta méthodologie, comment tu prends en compte leurs préoccupations et leurs envies ?
Camille : Je pense que la première chose dont il faut prendre conscience quand on ouvre comme ça ce type de démarche, de réflexion d'une façon un peu plus large aux salariés, c'est qu'il faut être prêt à le faire vraiment. C'est-à-dire, ça paraît bête, mais que ce soit quelque chose d'authentique et de, comment dire, de réel. Parce que c'est vrai que je pense qu'il y a une conscience dans l'entreprise qu'aujourd'hui, il faut de plus en plus impliquer les salariés sur un certain type de sujet. Maintenant, la question c'est, est-ce que c'est quelque chose de façade ou est-ce que c'est quelque chose de profond ? Et je pense qu'il faut se rendre compte que quand on ouvre la parole, les salariés s'en saisissent, que quand on ouvre la parole, ce qui sort, ça peut être sur tout un tas de sujets aussi, ça peut être le reflet d'autres dynamiques, d'autres transformations qui se jouent dans l'entreprise, d'autres indicateurs de climat social plus ou moins sereins. Voilà, ça c'est la première chose. Et puis la deuxième, c'est, moi si j'avais, voilà, qu'un élément à donner, qu'un conseil à donner, c'est de faire les choses dans l'ordre, vraiment de manière ordonnée. Et ça commence par savoir où on va, qu'est-ce qu'on veut avec ce nouveau aménagement de bureau, quels sont les grands principes clés, les valeurs phares qu'on veut se donner, et ça c'est quelque chose qui doit se partager et être aligné au niveau des dirigeants du plus haut niveau de l'entreprise. Pour qu'ensuite, voilà, le pacte entre guillemets de délégation ou de co-création soit clair, on ouvre la parole et on co-crée avec les salariés, mais dans un cadre précis donné, parce que sinon, bien évidemment, le risque numéro un, c'est le retour de bâton, le rétro-pédalage, et c'est évidemment ce qu'il y a de pire quand on ouvre ce genre de démarche, voilà, un peu plus participative. Donc je dirais vraiment, en tout cas moi c'est comme ça que je travaille toujours, c'est d'abord définir le cadre, les règles du jeu, qu'est-ce qui n'est pas négociable, qu'est-ce qui n'est pas sur la table avec ce projet. Parce qu'il peut y avoir des considérations économiques, des choix qui ont déjà été arbitrés, c'est important aussi de tenir un langage de vérité auprès des salariés, de dire, tel ou tel point, c'est acté, ce ne sera pas discutable, et puis tout le reste, maintenant, c'est une page blanche et c'est à construire.
Timothée : Et ça marche comment ? Tu fais des entretiens avec un panel de salariés ?
Camille : Ouais, il y a plusieurs approches. Alors en effet, l'approche un peu courante, c'est une équipe projet, un responsable d'environnement de travail, parfois secondé par quelqu'un en RH qui prend son petit carnet, va faire un tour des popotes, va relever un peu les besoins des uns et des autres. Moi c'est pas forcément ce que je préconise et c'est surtout pas comme ça que je travaille. Moi je vais, enfin, moi et les partenaires aussi, parce que je travaille avec beaucoup d'architectes aussi, qui ont vraiment besoin d'être associés à ce moment-là, parce que derrière c'est eux qui vont tenir le crayon pour les plans. On organise des ateliers très ouverts sur la base du volontariat aux salariés pour qu'ils viennent, voilà, s'interroger sur quelles sont nos différentes situations de travail, quels sont nos besoins, voilà, les plus variés, aujourd'hui, demain, en fonction de la façon dont évoluent les modes de travail, voilà, pour co-créer avec eux une programmation, une palette d'aménagements, d'espaces qu'ils vont vouloir retrouver demain.
Timothée : Pour le retour au bureau, comment les projets d'aménagement de bureaux ont évolué depuis un an, un an et demi, et quel a été l'impact du Covid sur l'organisation de ces bureaux, en matière de superficie, d'agencement, d'usage ?
Camille : Je pense que l'impact du Covid est encore en train de s'écrire et on peut pas tirer de conclusions trop hâtives, on voit à à l’heure où on se parle, que certains pays remettent en place des mesures restrictives donc, voilà, l'histoire n'est pas encore finie là-dessus. Maintenant, je pense que sur ce sujet des modes de travail et du bureau comme pour tant d'autres, ce qu'on peut dire, c'est que le Covid a eu un effet d'accélérateur, c'est-à-dire que toutes les tendances dont on voit les entreprises s'emparer massivement aujourd'hui, c'est-à-dire aller vers un bureau, justement, qui offre une plus grande variété d'espaces pour offrir un traitement plus qualitatif, notamment de moments de convivialité, des moments informels, des choses qui peut-être avant n'étaient pas regardées avec beaucoup de valeur du point de vue des directions. C'est des choses, en fait, qui étaient déjà existantes, des choses qui imprégnaient les projets de réaménagement récents depuis déjà une bonne dizaine, quinzaine d'années. Pareil pour la flexibilité, c'est-à-dire avoir des aménagements qui mutualisent les positions de travail entre les salariés en jouant sur le fait que les uns, les autres ne sont pas là tous au même moment. C'était aussi quelque chose qui se développait et, bien évidemment, le Covid a rendu, en fait, ces principes-là encore plus pertinents et a donné un coup d'accélérateur à tout ça. Donc, je pense que c'est la confirmation de certaines tendances, certains principes d'aménagement qui, déjà, préexistaient. Maintenant, pour moi, la grande question un peu inconnue, c'est jusqu'où va aller un peu l'optimisation des surfaces, jusqu'où ces nouveaux modes de travail hybrides vont permettre aux directions immobilières de réduire leur surface, puisque c'est un peu la question que tout le monde se pose. On savait déjà qu'avant le Covid, une place de bureau n'était occupée qu'à 50-60% du temps dans le cas des métiers les plus sédentaires. Vous êtes en RTT, vous êtes en déplacement, vous êtes en congé, en arrêt de maladie, que sais-je, tout un tas de raisons pour lesquelles vous n'êtes pas 100% du temps à votre poste de travail. Là, ça va être encore plus maintenant avec le télétravail. Et donc, jusqu'où va-t-on pouvoir un peu tailler à la serpe les mètres carrés, alors même que, comme je le disais, les entreprises prennent conscience qu'il faut offrir plus d'espace, justement, pour interagir, pour se rencontrer, pour échanger de manière informelle, pour passer des bons moments, des moments de qualité ensemble. Donc ça, ça nécessite aussi des mètres carrés. Donc voilà, c'est un petit peu là, je pense qu'on a un peu un jeu de vase communicant de mètres carrés individuels qui vont être reversés au pot commun des usages collectifs. Le bilan comptable de tout ça demandera un petit peu de recul, même si on voit que le fait justement de venir plus que 2-3 jours par semaine va inciter les entreprises à se recentrer sur des localisations plus premiums, très bien desservies, dans des quartiers très vivants et en centre des métropoles comme là où on est aujourd'hui. Alors qu'il y avait eu depuis peut-être 10 ans, un mouvement vers des couronnes périphériques aux métropoles. Ca peut peut-être faire partie des conséquences de cette crise.
Timothée : Il y a une récente étude d'UBIQ sur le boom des coworking. Je ne sais pas si tu l'as vue, elle est sortie la semaine dernière. Les coworking ont progressé de 60% en France sur deux ans. Qu'est-ce que ça t'évoque cette tendance ?
Camille : Alors j'avoue que je n'ai pas vu cette étude et elle nécessiterait que je m'y penche de plus près pour savoir ce qu'on met dedans. Parce qu'en fait, aujourd'hui, le coworking, ça recouvre beaucoup de choses. Ça recouvre, en tout cas si on se place du point de vue des grands opérateurs de coworking, un WeWork, un Woojo pour ne citer qu'eux, ça recouvre en fait une nouvelle forme d'exploiter l'immobilier qui est de dire je vais vous proposer du bureau comme un service. Admettons on est comme on travaille, on est 20-30, vous êtes Bluedigo, vous êtes 20-30, vous allez pouvoir louer 20-30 postes chez un opérateur tiers qui va prendre tout en charge pour vous : le café, la propreté, la sécurité, toutes les factures, vous, vous n'avez rien à gérer. Vous êtes clé en main dans vos bureaux. Mais ça, on ne peut pas dire que c'est du coworking tel qu'on l'a un peu dans l'imaginaire collectif, c'est-à-dire ce grand espace communautaire partagé, ancré dans la proximité et qui était d'abord le lieu de travail des indépendants, de très petites structures qui n'avaient pas forcément les moyens de prendre un bail pour elles-mêmes. Oui, clairement, ce nouveau visage de l'immobilier, flexible, as a service, géré par des opérateurs tiers qui effacent toutes les frictions que pouvait rencontrer une entreprise dans la gestion de son propre lieu, où avant elle avait, je ne sais pas moi, une vingtaine de fournisseurs, entre celui qui vient arroser les plantes, celui qui amène le café, celui qui fait le nettoyage, celui qui, je ne sais pas moi, nettoie vos vitres parce que c'est compliqué les vitres. Voilà, il y a une complexité inhérente au fait d'avoir ces bureaux et là, on a des opérateurs qui gèrent tout ça pour vous. Et ça, oui, je pense que c'est vraiment un des modèles gagnants qui sortent de la crise. Maintenant, sur le coworking plus, on va dire, communautaire, ouvert à tous, pour des usages plus intermittents, nomades, je suis un petit peu plus dubitatif. D'abord parce que c'est des structures qu'on peut être fragilisées par la crise. Il ne faut pas oublier qu'on sort quand même de deux ans, presque deux ans, où il y a eu des confinements, des moments de fermeture où ces espaces n'ont pas pu fonctionner, n'ont pas pu avoir du revenu comme ils auraient dû. Et puis aussi parce que voilà, c'est un modèle économique, ce modèle-là, c'est-à-dire qu'il repose sur des populations nomades, intermittentes, voire télétravailleurs qui ne télétravaillent pas que chez eux, mais aussi au coworking, sont des modèles économiques plus fragiles.
Timothée : D'ailleurs, ce qui ressort de cette étude, c'est qu'il y a une demande plus importante pour des bureaux privatifs et moins pour les open space, avec des freelancers, des nomades.
Camille : Exactement. Les bureaux privatifs, c'est ce que je dis, c'est le bureau as a service. Mais pour moi, est-ce qu'on peut appeler ça du coworking ? Je ne sais pas. Allez dans un Wojo, dans un WeWork, voir les bureaux d'une start-up de 40 personnes, elle privatise un étage ou elle privatise un bout d'étage, elle a en fait son univers à elle. Oui, je ne dis pas que des synergies ne peuvent pas naître dans certains espaces partagés, etc. Enfin, ça ressemble surtout quand même à du bureau exploité par un tiers lieu avec un esprit de communauté très fort, un projet de lieu en soi, ouvert à tous, tel qu'était en tout cas le coworking du manifeste de ses origines.
Timothée : J'aimerais revenir sur l'hybridation des espaces de travail, sur ce modèle mixte présence au bureau et télétravail. En moyenne, les salariés télétravaillent deux jours par semaine. Qu'en penses-tu ? Est-ce que c'est l'avenir des espaces de travail, selon toi ?
Camille : Ce qu'on sait aujourd'hui, et à nouveau, je crois que ce qui est passionnant dans la période qu'on est en train de vivre, c'est que l'histoire s'écrit sous nos pas, sous nos yeux, donc il faut être prudent dans les conclusions trop hâtives. Mais en tout cas, les études montrent que c'est la solution plébiscitée, c'est-à-dire que plus personne dans les salariés, en tout cas, ils sont minoritaires à vouloir revenir complètement à un schéma de cinq jours sur cinq au bureau. Et les employeurs, je pense, dans la très très grande majorité, l'ont compris et donc sont ouverts à proposer beaucoup plus largement qu'avant à leurs salariés une certaine dose de télétravail. Donc en tout cas, sur le côté modèle qui marche sur ses deux jambes, je pense que oui, on est vraiment en train d'aller vers cela. Maintenant, la question pour moi où il y a plus de flou, c'est comment ça va se décliner concrètement dans l'organisation de travail d'entreprise. Parce qu'on voit beaucoup la tentation un peu première dans les équipes et les entreprises, c'est de définir des jours où tout le monde vient, des jours où tout le monde est là et à l'inverse d'autres jours où on va plutôt être en télétravail. Et ça pour moi, c'est pas forcément une bonne idée à plusieurs titres. D'abord parce que c'est pas quelque chose de flexible justement dans le modèle, c'est quelque chose qui réintroduit la rigidité. Et puis la deuxième chose, c'est que d'un point de vue social, enfin sur plein d'aspects, ça ne fait pas bénéficier à la société des avantages du télétravail. C'est-à-dire que vous allez avoir des jours, on voit très bien pour qui prend les transports en ce moment, des jours avec des pics, des pics de congestion routrière, des pics de congestion des transports en commun parce qu'en fait tout le monde va aller au bureau les mêmes jours et d'autres, les gens seront plutôt chez eux. Et du point de vue de l'occupation des bureaux, c'est pareil, on va être beaucoup plus sur un espace de travail qui sera certaines journées en tension parce que tout le monde sera là, d'autres vides avec cet effet un peu lugubre qu'auront les salariés qui mettront les pieds dans ce bureau vide ce jour-là. Donc voilà, c'est vrai que moi j'aurais tendance à dire que l'avenir et ce que j'essaye de sensibiliser, ce sur quoi j'essaie de sensibiliser mes clients et d'accompagner, c'est un modèle où finalement la question de qui est là et qui est à distance devient transparent, devient complètement indolore, inodore pour l'entreprise. C'est-à-dire que quel que soit le statut des uns et des autres, on peut travailler, on peut se réunir, on peut collaborer avec des gens peut-être à distance, des gens qui sont là. On peut aussi dans une certaine mesure avoir certains échanges formels et du coup la question c'est quand on a ce mode de fonctionnement là, on peut vraiment tirer le meilleur des jours où on vient, c'est-à-dire les interactions vraiment sociales, spontanées, celles qui sont plus dures à avoir à distance et à l'inverse tirer le meilleur des journées passées à la maison, c'est-à-dire une bulle, se reconnecter à sa vie de proximité familiale et plus de concentration. Mais pour ça, c'est vraiment de faire un effort sur moins de réunions, plus de travail asynchrone, se demander qu'est-ce qui vaut vraiment la peine de se réunir tous en même temps, de synchroniser tout le monde. Moi je crois beaucoup à ça, je pense que pour que ce mode hybride fonctionne, le sujet de qui est là et qui est à distance ne doit plus être un sujet.
Timothée : Au-delà du télétravail et de ce besoin de plus de flexibilité, qu'est-ce que tu vois comme autre mutation importante pour le futur du travail dans les prochaines années ?
Camille : Le plus fondamental je pense, c'est vraiment la question de l'apprentissage tout au long de la vie, de l'évolution des compétences et des métiers. Et je crois que c'est vraiment ça qui est massif aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on est dans une telle accélération de la vie économique, des technologies, que finalement les métiers se réinventent en permanence. Ça tombe bien, les individus aspirent moins à des parcours très linéaires comme avant, mais vont beaucoup plus être perméables à des changements de voies, des réorientations, etc. Donc cette question d'avoir des individus qui soient souples, qui soient capables de toujours se réinventer, développer de nouvelles compétences, déconstruire ce qu'ils ont appris pour reconstruire d'autres compétences, je pense que c'est vraiment le sujet numéro un en termes de futur du travail et c'est un sujet qui est fascinant. Et puis peut-être si on revient à un niveau plus entreprise, la question aussi de l'intégration des indépendants, puisque finalement on voit aussi la montée du travail indépendant, une des grandes lignes fortes de l'évolution du travail. Et ce que je trouve intéressant avec la période qu'on vient de voir, c'est que finalement ce basculement dans l'air hybride, il abaisse les barrières aussi à l'entrée pour ces indépendants-là, c'est-à-dire que finalement la frontière entre les insiders, les outsiders, elle est plus mince aujourd'hui, avec un collectif de travail qui se voit moins. Donc ça fait plus de place aussi aux indépendants pour mener des missions d'entreprise, avec évidemment des bénéfices et des risques qu'il faut limiter, notamment sur les sujets de protection sociale. Je ne veux pas m'égarer.
Timothée : Merci beaucoup Camille, en tout cas, on est super content de t’avoir eue en invitée pour ce podcast.
Camille : Plaisir partagé, longue vie à Hybride ! J'ai hâte de connaître aussi la suite, la suite de vos invités et leur variété.
Timothée : C'est la fin de ce premier épisode d'Hybride, on espère que ça vous a plu. On vous retrouve très vite avec un nouvel épisode sur l'avenir des espaces de travail. Si vous avez aimé ce podcast, n'hésitez pas à nous mettre des étoiles sur Apple Podcast. A très bientôt sur Hybride !