Podcast Hybride #7 : Olivier Sibony - Professeur de stratégie à HEC Paris

Podcast Hybride #7 : Olivier Sibony - Professeur de stratégie à HEC Paris

🎙️ Nouvel épisode !🎙️

Chaque mois, #Hybride, le podcast de Bluedigo, vous donne rendez-vous avec un.e expert.e pour décrypter le futur du travail !

Pour ce 7ème épisode, nous sommes très heureux d’avoir reçu Olivier Sibony, Professeur de stratégie à HEC Paris, pour revenir sur le concept de travail hybride et ses conséquences en matière d’organisation et de management.

Dans cet épisode vous découvrirez :

➡️ Comment le travail hybride s’est mis en place en France et à l’étranger

➡️ Les dernières études sur l’impact du télétravail sur la productivité et la créativité des salariés

➡️ Les nouvelles missions du Manager hybride !

➡️ L’impact du télétravail sur l’aménagement des espaces de travail

Un grand merci à Olivier Sibony pour cette exploration !

Bonne écoute ! ✨

 

Timothée : Bonjour à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Hybride, le podcast de Bluedigo sur l'avenir des espaces de travail. Je suis Timothée Jochum, cofondateur de Bluedigo. Chaque mois, Hybride donne la parole à des experts pour nous aider à décrypter les mutations en cours des espaces de travail. Ils sont architectes, entrepreneurs, responsables immobiliers ou encore chercheurs. Et pour cette rentrée, j'ai le plaisir de recevoir Olivier Sibony, professeur de stratégie à HEC Paris pour nous aider à mieux comprendre le concept de travail hybride et ses conséquences en matière d'organisation et de management dans les entreprises. Bonjour Olivier.

Olivier : Bonjour.

Timothée : Merci d'avoir accepté notre invitation.

Olivier : Merci à vous.

Timothée : Alors vous avez dit que le travail hybride est peut-être la plus grande révolution de nos vies professionnelles dans une tribune. Pourquoi ? Que voulez-vous dire par là ?

Olivier : Alors la plus grande, il faut toujours faire attention à ce qu'on dit. Il y en a eu d'autres, en tout cas pour les gens qui sont vieux comme moi qui ont vu arriver les ordinateurs. Mais pour ceux comme vous, par exemple, qui n'avaient pas connu des mutations aussi profondes, je crois vraiment que c'est le plus grand choc qui se soit produit dans ma vie professionnelle. Et pourquoi ? Parce qu'au fond, depuis un siècle au moins, on va au bureau comme avant on allait à l'usine, comme avant on allait au champ. Le travail, c'était un endroit. Ce n'était pas une chose qu'on faisait. C'était aussi une chose qu'on faisait, bien sûr, mais c'était d'abord un endroit. Et toute l'organisation du bureau, en réalité, quand vous regardez les photos des bureaux des années 50 où on voit ces alignements de bureaux avec des secrétaires qui tapent à la chaîne, il a été inspiré par l'organisation de l'usine qui, elle-même, était inspirée par... On pourrait refaire toute l'histoire. Bref, on allait au bureau et on allait travailler au bureau. Et toute l'organisation du bureau et toute l'organisation du travail derrière est profondément conditionnée par l'organisation de ce lieu. À partir du moment où on ne va pas tous au même moment, au même endroit pour faire un travail, on pose des questions assez fondamentales sur ce que c'est que le travail, sur ce qu'on attend de nous, sur ce que c'est que d'appartenir à la même entreprise, à la même organisation, ce que c'est que de faire partie de la même équipe. Et ça, ça pose des tas de questions qu'au fond, on n'a pas eu l'occasion de traiter parce que ce choc s'est produit à la faveur, si on peut dire, de la crise du Covid et nous a laissé en fait dans une espèce d'improvisation qui s'est prolongée et qui continue à se prolonger sans qu'on se soit posé des questions vraiment fondamentales. Quand on dit que l'improvisation se prolonge, soit dit en passant, les derniers chiffres qu'on voit aux Etats-Unis, que citait Nicolas Blum qui est un des experts de la question, c'est qu'on a un taux de télétravail aux Etats-Unis, là maintenant en septembre 2022, qui est six fois supérieur à ce qu'il était avant la crise du Covid. Six fois supérieur. On a vu dans des tas de domaines que la crise du Covid a provoqué des mutations beaucoup plus rapides qu'on aurait cru possibles, mais c'est quand même quelque chose de tout à fait spectaculaire. On voit des entreprises qui ont des sièges attractifs. Prenez Apple qui a dépensé des milliards de dollars à faire probablement le plus beau siège du monde avec des salles de sport en marbre importé d'Italie et des tunnels pour descendre au parking qui sont pavés de marbre avec des dalles de marbre calquées sur le format d'un iPhone où les employés font des pétitions pour dire qu'ils ne veulent plus y aller, qu'ils préfèrent travailler de chez eux. Donc on est quand même dans un choc qui était totalement inimaginable il y a quelques années et dans une mutation qui est vraiment étonnante.

Timothée : Olivier, comment le travail hybride se met-il en place dans les entreprises en France ? Y a-t-il des différences avec d'autres pays puisque vous avez mentionné les Etats-Unis par exemple ?

Olivier : Il y a évidemment des différences et en fait il y a d'énormes différences non seulement entre les pays, sur lesquels on n'a d'ailleurs pas forcément les mêmes données, on avance en tâtonnant dans cette histoire, on n'est pas très très bien renseigné. Il y a des différences entre pays, il y a aussi d'énormes différences entre secteurs, entre métiers et même entre entreprises. Vous avez encore des entreprises, et il y en aura toujours, qui disent le travail à distance très peu pour nous. On a vu il n'y a pas longtemps Elon Musk qui disait si vous n'êtes pas prêt à venir au bureau 70 heures par semaine vous n'avez rien à faire ici. Bon ça fait partie des phrases d'Elon Musk. On avait vu il y a quelques temps le patron de JP Morgan, Jamie Dimon, qui disait la même chose et qui quelques mois plus tard est revenu en arrière en disant oups finalement si vous voulez travailler de chez vous ça peut s'arranger parce qu'il s'est rendu compte que la demande des employés était tellement forte qu'en fait il ne pouvait pas résister à ça. Alors les différences se manifestent principalement par le nombre de jours sur lequel ça va porter. En France on voit peu d'entreprises qui dépassent les deux jours par semaine. Pour l'instant en rythme de croisière, évidemment pendant la crise c'était différent, mais en rythme de croisière la plupart des entreprises ont l'air, je dis ça intuitivement et sur la base de mes conversations, il n'y a pas des statistiques à ma connaissance très récentes et très exhaustives, ont l'air de se stabiliser sur des modes de travail hybrides où on laisse les gens travailler chez eux un à deux jours par semaine, plus rarement trois. Étant entendu évidemment que tout ça s'applique aux entreprises qui ont choisi de le faire, il y en a qui refusent, à mon avis elles ont tort, et s'applique bien sûr aux gens pour qui c'est possible. Il y a des tas de fonctions, c'est un des problèmes du travail hybride, pour lesquels le travail à distance n'est tout simplement pas possible pour des raisons pratiques et physiques, et un des risques que fait courir le travail hybride c'est celui d'une fracture sociale interne aux entreprises entre les gens qui peuvent travailler chez eux et ceux qui ne peuvent pas. Une fracture supplémentaire dans des entreprises qui malheureusement, dans une société qui malheureusement déjà n'en manque pas.

Timothée : Alors on ne peut pas tout faire en télétravail et justement j'aimerais m'intéresser à l'impact de ce passage au travail hybride sur les performances des entreprises. J'aimerais parler de productivité, de créativité. Qu'est-ce qu'on fait mieux au bureau et qu'est-ce qu'on fait mieux en télétravail ?

Olivier : C'est compliqué d'avoir une réponse empirique, d'avoir une réponse pratique et mesurable à cette question. D'abord parce qu'on n'a pas beaucoup de recul, ensuite parce qu'on n'a pas des expériences très propres où on ait pu comparer des gens qui travaillent à distance et des gens qui ne travaillent pas à distance. Il y a peu d'expériences qui permettent de mesurer proprement. Il y en a une au moins, faite par Nicolas Blum dont je parlais tout à l'heure, qui s'est interrogée sur la productivité dans une tâche relativement mesurable, qui était celle en l'occurrence d'une agence de voyage. Et c'est, à ma connaissance, la seule étude sur laquelle on ait une mesure vraiment propre, puisque Nicolas Blum a fait une étude randomisée, c'est-à-dire qu'il a choisi au hasard parmi les gens qui étaient volontaires ceux qui pouvaient aller travailler chez eux et ceux qui, bien qu'ils aient été volontaires, sont restés au bureau. Et donc il a pu comparer la productivité des agents de voyage qui ont travaillé chez eux et des agents de voyage qui sont restés au bureau, sans qu'il n'y ait aucune pollution par un effet de contexte différent, parce qu'on peut toujours dire « ah la productivité s'est améliorée depuis qu'on est passé au travail à distance, oui mais c'est peut-être parce que l'économie a été plus favorable, ou au contraire elle s'est dégradée, oui mais c'est peut-être parce que les temps sont devenus durs ». Donc là, on a une expérience qui est propre, qui est randomisée, qui est vraiment comparable. La conclusion est très intéressante, les gens sont plus productifs chez eux. Ils sont plus productifs quand ils sont chez eux que quand ils sont au bureau. Pourquoi ? Pour une combinaison de raisons. D'abord, ils sont moins interrompus, ils perdent moins de temps, si on peut dire, à aller à la machine à café, papoter avec leurs collègues, ou être interrompus par quelqu'un qui passe et qui leur demande comment s'est passé leur week-end. Et ensuite, ils ont tendance à compenser une partie du temps de trajet qu'ils ont économisé en travaillant un petit peu plus. Donc la combinaison de ces deux choses fait qu'ils sont, de mémoire, il faudrait vérifier le chiffre, de mémoire 11% plus productifs. Donc un chiffre qui n'est pas astronomique, mais qui est quand même très, très significatif. Néanmoins, il se passe deux choses intéressantes quand Bloom termine l'expérience. La première, c'est qu'un certain nombre des gens qui travaillaient chez eux disent « en fait, je préfère retourner au bureau » parce que ça leur manque, parce que le côté social du bureau leur manque. Il n'y a pas que la productivité dans la vie, il y a aussi des tas de choses qui se passent quand on est au bureau avec des gens et qui ne se passent pas qu'à retourner chez soi, à travailler tout seul. Et la deuxième chose, c'est que parmi ceux qui continuent à travailler chez eux, et qui continuent à être plus productifs, et qui sont même encore plus productifs que la moyenne parce que c'était ceux qui, justement, n'avaient pas le blouse du bureau et qui n'ont pas demandé à y retourner, c'est ceux qui sont, parce qu'ils sont introvertis, parce qu'ils sont antisociaux, que sais-je, qui sont ravis de travailler chez eux et qu'ils font super bien. Et bien ceux-là, qui sont plus productifs que les autres, un an ou deux ans plus tard, sont beaucoup moins souvent promus, alors pourtant qu'ils sont meilleurs. Donc loin des yeux, loin du cœur, et on a une espèce d'effet pervers du présentéisme ou de la valorisation des gens qui sont là, ou peut-être d'effet pas pervers. On a le droit de penser aussi que les gens qui viennent au bureau témoignent d'une motivation supplémentaire pour exercer un rôle de management, ça se discute. En tout cas, on a un effet qui n'était pas anticipé, qui est que la productivité n'est pas le seul facteur qui est pris en compte dans l'évaluation de la performance.

Timothée : Et sur les objectifs d'innovation, de collaboration et de créativité, entre elles ?

Olivier : Alors ça, c'est beaucoup plus compliqué à mesurer. C'est beaucoup plus compliqué à mesurer à tout point de vue, que ce soit à distance ou pas. Là, on est plus dans l'extrapolation de choses qu'on sait sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans l'organisation du travail. Et la manière dont je résume la chose, et qui est construite sur des travaux assez anciens et assez reconnus, c'est qu'en fait, on peut distinguer les activités d'exploration, les activités d'exploitation. L'exploration, c'est en gros tout ce qui consiste à essayer de découvrir des choses nouvelles, donc comme vous dites, l'innovation, mais sans aller jusqu'à l'innovation produit ou à l'innovation process, tout simplement le fait de faire les choses différemment, tout simplement le fait de construire des nouvelles relations, le fait d'aller chercher des nouveaux clients, c'est de l'exploration. Le fait de développer des nouvelles manières de travailler avec ses collègues, c'est de l'exploration. Le fait de recruter des nouveaux collaborateurs et de tester si ça fonctionne avec eux, c'est de l'exploration. L'exploration, c'est tout ce qui consiste à faire du nouveau, par opposition à l'exploitation, qui consiste à faire de mieux en mieux, de manière de plus en plus productive, ce qu'on faisait déjà. Pourquoi est-ce que j'introduis cette distinction, qui est ancienne et qui n'est pas propre au télétravail ? Parce qu'en fait, schématiquement, on peut dire que tout ce qui relève de l'exploitation fonctionne bien en télétravail, c'est télé-robuste, si on peut dire. Tout ce qui relève de l'exploration, tout ce qui relève de la nouveauté, est télé-fragile, c'est-à-dire que ça fonctionne moins bien, voire pas du tout, quand on est en télétravail. Quand on est en télétravail, l'exemple des agents de voyage le montre très bien, on va arriver très bien à optimiser ce qui relève de la répétition, ce qui relève de l'exploitation de ce qu'on faisait déjà. On va arriver moins bien, et l'expérience ne le montrait pas, mais on a toutes sortes de raisons de le supposer, on va arriver moins bien à faire du nouveau. En partie, la technologie aidera à résoudre ça. Par exemple, aujourd'hui, c'est encore difficile de simuler l'interaction qu'on a autour d'un tableau blanc quand on essaye de faire une réunion de créativité. Il n'y a pas de doute que demain, on aura des versions de Zoom ou de Teams qui permettront de faire ça mieux. Mais c'est pas seulement une question de technologie, c'est une question d'engagement, de présence à l'esprit de l'autre, de contact physique les uns avec les autres, pour beaucoup de choses, pour tout ce qui relève du design, c'est littéralement une question de présence physique au contact d'un objet, qui par définition ne se fait pas à distance, donc il y a beaucoup de choses qui vont être très difficiles à faire à distance. Je prends un exemple tout bête, que tout le monde a rencontré pendant le Covid. L'onboarding d'un nouveau collaborateur, la mise à bord, pour le dire en français, d'un nouveau collaborateur. Comment est-ce qu'on explique à quelqu'un comment on fait les choses ici ? Qu'est-ce que c'est que notre manière de fonctionner quand il n'est pas là ? Qu'est-ce que ça veut dire d'accueillir quelqu'un dans une entreprise quand en fait il est chez lui dans son studio d'étudiants devant son ordinateur et qu'on lui dit « bienvenue chez Bluedigo ». C'est quand même très compliqué. Et quand vous voyez qu'il y a des gens qui n'ont été que dans cette situation, vous avez une génération de jeunes travailleurs qui peut-être ont déjà changé d'entreprise deux ou trois fois, sans jamais être en permanence physiquement dans une entreprise, on commence à se demander ce que ça veut dire de faire partie d'une entreprise. Donc il y a toutes sortes de choses qui paraissent évidentes quand on est physiquement ensemble qui deviennent en fait assez difficiles quand on est à distance, voire franchement impossibles. Et ces choses-là sont les plus difficiles à mesurer. C'est pour ça que les études qui vous disent « la productivité s'améliore ou en tout cas ne se dégrade pas quand on est à distance », elles sont incontestables. Mais on ne mesure que ce qu'on sait mesurer. Et ce qu'on ne sait pas mesurer, peut-être tout aussi important. Il n'y a pas que ce qu'on sait compter qui compte. Et en l'occurrence, tout ce qui est télé-fragile compte aussi. Malheureusement, ça compte plus sur le long terme. Et donc, on va mettre un peu plus de temps à s'apercevoir de ce qu'on a dégradé en améliorant ce qu'on croyait améliorer.

Timothée : Alors justement, ça implique des nouveaux défis managériaux. Vous parlez beaucoup de managers hybrides. Justement, pour faire face à ce télétravail, il y a peut-être de nouvelles compétences et de nouvelles formations pour les managers. Quelles sont les missions du manager hybride et quels sont ses challenges ?

Olivier : Le manager hybride, c'est d'abord un manager. Et le management hybride, c'est d'abord du management. Mais en fait, c'est du management en plus difficile, en plus dur. Pourquoi ? Parce que tout ce qui est difficile quand on est un manager, c'est en fait de lâcher prise. C'est de faire confiance. C'est de déléguer. C'est de donner des objectifs et de laisser les gens libres de la manière de les atteindre. C'est de résister à la tentation d'être un micro-manager. Et plus on va être à distance, plus ça va être difficile de faire ça, tout simplement. L'illustration par l'absurde de ce que je vous décris là, c'est la prolifération des outils de flicage à distance à laquelle on est en train d'assister. On le voit plus aux Etats-Unis parce qu'en France, on est d'une part un peu en retard technologiquement et d'autre part, heureusement, un peu protégé par le droit du travail, par la CNIL, etc. Mais aux Etats-Unis, vous avez des tas d'entreprises, la grande majorité en fait des entreprises qui font du télétravail, qui conditionnent le travail à domicile à la mise en place d'un certain nombre d'outils de tracking, de mouchards. Alors on peut utiliser la caméra de votre ordinateur, utiliser des outils de keylogging qui vont enregistrer tout ce que vous tapez pour vérifier que vous n'êtes pas en train de faire une recherche Google sur vos prochaines vacances pendant les heures de bureau. On peut vérifier l'activité de votre souris pour vérifier que vous n'êtes pas allé piquer un roupillon sur le canapé et que vous êtes toujours bien à votre poste de travail. Et la technologie n'a pratiquement pas de limites sur la manière de vous fliquer. Mais le fait même qu'on se pose ces questions-là montre qu'en fait on est toujours dans l'espèce de vision d'un chef qui fait sa tournée autour des salariés qui sont assis dans leur bureau et qui vient regarder par-dessus l'épaule de chacun pour vérifier qu'il est bien en train de travailler. Simplement, on ne peut plus faire la tournée physiquement en se promenant d'un palan, les mains croisées dans le dos pour venir inspecter le travail, donc on le fait avec un outil technologique. Mais l'état d'esprit est resté le même, on est dans le micromanagement facilité par la technologie. Le fait qu'on en soit à voir ça vous montre bien que beaucoup d'entreprises ne se sont pas posé la question fondamentale qui est comment est-ce que le passage au travail à distance ou au travail hybride nous aide, nous force, nous challenge pour changer de mode de management, pour devenir des meilleurs managers. En fait, on a vu pendant la crise du Covid et par extension avec le travail hybride, un peu comme dans la métaphore de la marée qui baisse et où on s'aperçoit qu'il y avait des gens qui étaient tout nus, on s'aperçoit qu'il y a des managers qui en fait étaient des très mauvais managers, qui s'en sortaient par le micromanagement, mais qui ne savaient pas faire confiance, ne savaient pas déléguer, ne savaient pas coacher les gens pour les aider quand ils avaient du mal, ne savaient pas construire une relation de confiance, ne savaient pas fixer des objectifs et mesurer l'atteinte de ces objectifs. Et ces gens-là sont très mal, ils ont vraiment besoin d'aide. Donc on a un vrai besoin de formation et d'élévation du niveau des compétences du management pour faire face à ce nouveau défi du travail hybride. Le défi était là, les managers sont les mêmes, le management est le même, mais le travail hybride, le travail à distance révèle des lacunes, révèle des difficultés qu'on arrivait à masquer quand on était tous ensemble dans un bureau.

Timothée : Une dernière question Olivier, quelles conséquences peut-on attendre de ce passage au travail hybride pour les espaces de travail en termes d'aménagement ? C'est quoi l'avenir des bureaux ?

Olivier : D'abord, il y a une conséquence tout à fait immédiate, c'est que si les gens se mettent à travailler chez eux durablement et pendant un certain nombre de jours dans la semaine ou dans l'année, ils vont avoir besoin d'un espace de travail chez eux qui tienne la route. On ne peut pas travailler deux jours par semaine sur la table de la cuisine avec le tabouret du bar et un fil d'ordinateur dans lequel on se prend les pieds. Donc il y a un besoin d'aménagement de bureau à domicile, d'aménagement d'espace de travail à domicile. Personne n'a envie d'avoir chez lui du mobilier de bureau qui ressemble à celui qu'on a dans une tour de la Défense. Donc il y a un besoin d'hybridation justement de l'espace de travail et du look du mobilier qui est une vraie opportunité puisqu'on a besoin d'avoir le confort et l'ergonomie d'un mobilier de travail sérieux si on va passer la journée à travailler chez soi. Mais on a aussi besoin d'avoir quelque chose qui ressemble quand même à ce qu'on a envie d'avoir chez soi. Ensuite, en ce qui concerne les bureaux proprement dit, c'est une vaste question. Vous avez des entreprises, alors ça reste très marginal, mais vous avez des entreprises qui ont complètement renoncé à l'idée d'avoir un bureau. Des entreprises qui sont sans bureau, voire même, alors là on est dans la technologie uniquement, mais des entreprises qui sont tellement sans bureau qu'elles sont sans siège et donc sans fuseau horaire de référence. Il y a des entreprises de software essentiellement qui recrutent des gens dans le monde entier et quand ils doivent fixer une réunion, ils regardent en fonction des heures des uns et des autres. Mais comme on n'a pas un siège qui serait à Paris, à New York ou à Palo Alto, il n'y a pas une heure de référence pendant laquelle on est en train de travailler ou en train de ne pas travailler. Chacun fixe son heure. C'est dire à quel point on est dans le monde virtuel. On est à un niveau de virtualité tel qu'on n'a plus du tout besoin d'avoir de bureau. Ces gens-là ne vont plus se retrouver que pour se retrouver. C'est-à-dire qu'ils vont, l'exemple auquel je pense, c'est une entreprise de technologie qui se retrouve une fois par trimestre pendant une semaine pour faire un grand voyage tous ensemble, une sorte de semaine de vacances collectives avec un peu de travail dedans. Ils vont une fois au Kenya, une fois en Turquie, une fois en Amérique du Sud. En gros, ils disent qu'on a besoin d'avoir de la socialisation, on a besoin de créer de l'affectio societatis et d'être tous ensemble. Il n'y a pas de raison que ça soit fait en étant à la machine à café et en interrompant le travail. On peut chacun travailler chez soi. Par contre, une fois de temps en temps, une fois par trimestre, on va passer des grandes vacances ensemble. On n'a plus de bureau du tout. Ça, c'est l'extrême. Je pense que ce qu'on va voir de plus en plus, un peu moins extrême, vous avez le modèle que Zoom a annoncé il n'y a pas longtemps, où Zoom dit on a un bureau, on continue à avoir un bureau, mais il ne sert pas à travailler. On a bien un siège, vous avez le droit d'y venir, mais c'est uniquement pour socialiser, pour des occasions de rencontres, des occasions d'événements. Donc ça, ça change fondamentalement l'utilisation des espaces. Si c'est un bureau qui ne sert pas à travailler, on ne va pas s'y retrouver au milieu de bureaux avec des chaises, avec des ordinateurs posés dessus, etc. Donc là, on va se poser vraiment la question de qu'est-ce que c'est qu'un bureau qui n'est plus un bureau ? Qu'est-ce que c'est qu'un siège, plus directement, qui n'est plus un bureau, qui est juste un espace de rencontre ? Ensuite, vous avez un troisième niveau, qui sont des entreprises qui vont garder un siège, mais qui vont le réduire. C'est probablement la norme, parce que si on est en télétravail une grande partie du temps, on n'a pas besoin de garder un bureau vide pour les gens qui sont chez eux. Par définition, ça veut dire qu'on va partager les bureaux, donc le flex office, qui était déjà en train de s'imposer, va s'imposer encore plus vite, et donc on va avoir des bureaux qui sont plus flexibles, plus partagés, réduits, probablement aussi de meilleure qualité, parce qu'on n'attire pas les mouches avec du vinaigre. Si vous voulez que les gens aient envie de revenir au bureau, il faut quand même que ça soit un espace relativement agréable. Ça ne suffit pas, comme on l'a vu avec l'exemple d'Apple, mais enfin c'est nécessaire. Donc on aura des bureaux plus petits, mieux aménagés, plus sympathiques, plus conviviaux, etc. Et puis, vous avez une autre tendance qui est en train de se manifester. Tout ça se passe en même temps, et c'est difficile de savoir dans quelle direction la pièce va tomber. Ce ne sera probablement pas une seule direction, c'est que les espaces de coworking, les espaces intermédiaires, les endroits où on peut aller travailler sans être chez soi, mais sans non plus faire tout le trajet pour aller au bureau, sont en train de connaître une forte demande aussi. Parce que travailler chez soi, ça pose toutes sortes de difficultés, comme on l'a vu pendant le confinement. Il y a des gens qui déménagent, qui s'installent loin, et qui ont l'espace pour ça. Mais il y a aussi des tas de gens qui n'ont pas l'espace pour ça, et qui voudraient bien avoir un endroit tranquille pour pouvoir télétravailler, sans pour autant faire deux heures de trajet tous les jours. Et pour ça, il y a des espaces intermédiaires qui sont en train de se développer, qui ont un vrai besoin d'aménagement aussi. Donc, il y a une grande diversité de formes. En fait, on est en train de passer d'un modèle où le bureau, c'était quelque chose de relativement monolithique, avec à peu près partout la même organisation, la même répartition de l'espace, et donc le même mobilier, vers une série de formes complètement différentes, où on va avoir une grande variété de modes d'organisation, une grande variété d'utilisation de l'espace, et probablement aussi une grande variété de mobiliers, même s'il faudra toujours des chaises pour s'asseoir, et des bureaux pour écrire.

Timothée : Merci beaucoup Olivier d'avoir décrypté avec nous le concept de travail hybride. On est très heureux de vous avoir reçus. C'est la fin de cet épisode. Merci d'avoir pris le temps d'écouter ce nouvel épisode d'Hybride, le podcast de Bluedigo. Si vous avez aimé ce podcast, parlez-en autour de vous, n'hésitez pas à le partager, et à nous mettre des étoiles sur Apple podcast. A très bientôt sur Hybride.

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